Trudeau et les casques bleus

Traduction de Pierre Jasmin approuvée par l’auteur. L’article original est paru dans le Toronto Star.

La semaine dernière, le déploiement pour une année par le Canada d’un avion de transport C-130 pour les opérations de paix des Nations Unies représentait un pas en avant. Toutefois, alors que le mandat Trudeau tire à sa fin, il est juste de récapituler ses promesses électorales précédentes de se réengager dans le maintien de la paix des Nations Unies.

À son entrée en fonction, le premier ministre Trudeau a donné d’importantes instructions à ses ministres de la Défense et des Affaires étrangères pour mettre à la disposition de l’ONU du personnel canadien et des capacités militaires spécialisées. Les ministres devaient également prendre le leadership d’une formation internationale au maintien de la paix et aider les Nations Unies à réagir plus rapidement aux conflits naissants.

Lors de la conférence ministérielle sur le maintien de la paix à Londres en 2016, le Canada s’est engagé à fournir jusqu’à 600 militaires et 150 policiers – un grand pas en avant par rapport au gouvernement précédent, mais guère plus de la moitié de ce que le Canada avait prévu pour les 40 années qui ont suivi la création de la première force de maintien de la paix en 1956. Néanmoins, la nouvelle contribution annoncée serait extrêmement précieuse pour une organisation mondiale qui lutte pour aider l’humanité.

Malheureusement, dans la pratique, le gouvernement Trudeau a atteint un niveau sans précédent en petit nombre de soldats et de policiers au service des Nations Unies. Seuls 56 militaires et policiers en uniforme étaient déployés en mai 2018, six mois après que Trudeau eut organisé une importante conférence ministérielle mondiale sur le maintien de la paix à Vancouver.

Le gouvernement n’a déployé qu’une seule unité militaire opérationnelle à court terme: une force extrêmement compétente au Mali.

Quand la mission au Mali viendra à terme à la fin du mois, le Canada fournira de nouveau moins de 30 militaires et moins de 30 policiers, bien loin des chiffres de 600 et 150! En fait, durant son mandat, le gouvernement Harper a déployé plus de personnel en uniforme (157 en moyenne par mois) que le gouvernement Trudeau (114).

En outre, le programme de formation de maintien de la paix promis n’a pas été lancé depuis quatre ans. Et la force de réaction rapide promise à la conférence ministérielle de Vancouver 2017 est loin d’être déployée rapidement. En fait, même sa destination n’est toujours pas connue.

Il est juste de demander à qui ou à quoi attribuer la responsabilité de cette promesse non tenue. Il est vrai que le ministère de la Défense nationale avait beaucoup de retard à se mettre au travail pour se réengager dans le maintien de la paix et apprendre le fonctionnement de l’ONU.

Le néophyte député et ministre, Harjit Sajjan, a adopté une approche prudente et tatillonne dans sa pente abrupte d’apprentissage des opérations de l’ONU. Le chef d’état-major de la défense, Jonathan Vance, croyait en l’importance du maintien de la paix de l’ONU, mais a abandonné l’attitude de bonne volonté pratique des chefs d’une époque antérieure.

L’armée canadienne avait fourni des soldats à toutes les missions de l’ONU jusqu’en 1995. Au cours de la décennie 1990, les Forces armées canadiennes ont fourni des généraux pour diriger sept missions de l’ONU, mais aucune depuis lors. L’OTAN est devenue priorité loin devant l’ONU, de nombreuses demandes de l’ONU ont été rejetées aux niveaux inférieurs du quartier général de la Défense nationale. Il est étonnant dans ces circonstances que l’ONU ait continué à demander. Le Canada n’a même pas placé un seul officier au siège de l’ONU.

Cependant, en décembre 2016, l’armée était prête à fournir un commandant de force à la mission des Nations Unies au Mali et celle-ci a ouvert le poste pendant deux mois dans l’attente de la décision finale. Mais le gouvernement n’a pas approuvé cette contribution lorsque Chrystia Freeland a succédé à Stéphane Dion au poste de ministre des Affaires étrangères, une fonction qui joue un rôle de premier plan au sein du Cabinet pour les questions de maintien de la paix.

Freeland a beaucoup parlé de la nécessité d’un ordre international fondé sur des règles, sans aider le moindrement au centre de cet ordre international, les Nations unies, ni à son entreprise phare de maintien de la paix en zones de conflit. Freeland a pris une initiative: promouvoir les femmes de différents pays en maintien de la paix, tout en n’y accordant que deux femmes militaires. Les chiffres, qui ont augmenté de manière impressionnante avec la mission au Mali, seront ramenés à moins d’une demi-douzaine dans une semaine.

Enfin, qu’en est-il du nouveau service de transport C-130 annoncé la semaine dernière ? Certes une innovation qui devrait aider l’ONU, mais ce n’est pas un grand engagement de détourner un seul avion des missions de l’OTAN en Irak pour seulement cinq jours de service mensuel aux Nations Unies.

Alors, qui a sapé la promesse de Trudeau en matière de maintien de la paix ? Eh bien, ce fut Trudeau lui-même. Il n’a pas réussi à faire adopter d’importantes propositions par son cabinet. Il n’a pas fait pression sur ses ministres sur la question (mais plutôt sur d’autres questions…). Résultat : la réputation du Canada en matière de maintien de la paix a souffert et le monde a compris que la réalité était bien en retard sur la rhétorique quant à l’appui du gouvernement Trudeau au maintien de la paix des Nations Unies.

Conference on “Global Markets, Inequality and the Future of Democracy”

The Canadian Pugwash Group is sponsoring the Group of 78 (G78) Annual Policy Conference on “Global Markets, Inequality and the Future of Democracy” to be held at the University of Ottawa on September 27-28 2019. Members of the Canadian Pugwash Global Issues Project participated in the research and planning of this Conference. You can find a brief background on the Global Issues Project at https://pugwashgroup.ca/global-issues-project,

The focus of the G78 Conference is on the proposition that the roots of the current nightmare of economic inequality and economic insecurity in democracies around the world can be traced to three interrelated causes: a) the rise of a global financial system that is no longer regulated in the public interest; b) the rise of an international trading system that has dramatically undercut the ability of labour to share in productivity gains; c) the enshrinement of a deeply individualistic ideology that has weakened democracies and thereby greatly increased the power of corporate capital to act with virtual impunity. The conference objective is to explore the most promising avenues for resistance to the powerful interests that have poisoned efforts to address these causes in an informed and free public debate.

The G78 is an informal association of Canadians seeking to promote global priorities for peace and disarmament, equitable and sustainable development and a strong and revitalized United Nations System. You can see the G78 Conference outline, program and registration forms at https://group78.org/event/2019-g78-annual-policy-conference/

New UN Technology

Articles and topics:


Two of the fundamental objectives of Pugwash are to reduce the negative applications of technology, such as use and stockpiling of weapons of mass destruction, and to increase the positive applications, such as support of UN peace activities like arms control, peace operations, etc. The UN Secretary-General released in September 2018 a “Strategy on New Technologies,” outlining important principles for technologies in general. More particularly, the United Nations is making significant progress in implementing new technologies in its peace activities. For instance, peace operations technologies have expanded more in the past five years than the previous twenty-five, according to the experience and observations of Walter Dorn, who has been following this subject for over 30 years.

CPG member and former CPG Chair Dr. Walter Dorn (www.walterdorn.net) served a member of the UN’s Expert Panel on Technology and Innovation in UN Peacekeeping that produced the 2015 report “Performance Peacekeeping.” Since the mid-1980s, he has been seeking to assist the United Nations in using technology for its peace initiatives. He now co-chairs, with CPG member Robin Collins, the CPG project on New UN Technologies.

The project explores ways in which new technologies can enhance the peace initiatives of the United Nations, including arms control verification, peace operations, sanctions monitoring, peace enforcement, and UN technology in general.

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Le Pentagone publient un document alarmant sur les «opérations nucléaires»

traduction partielle par Pierre Jasmin | «U.S. joint chiefs release alarming nuclear operations document» | Hill Times, 1 juillet 2019

Le 11 juin, a paru un document simplement intitulé Opérations nucléaires : le premier papier doctrinal du Pentagone en 14 ans marque une réorientation majeure de la pensée militaire américaine qui semble maintenant gagnée à l’idée d’enclencher une guerre nucléaire et de la remporter. Même si le document a été retiré du site du Pentagone où The Guardian l’avait déniché, ne devenant accessible que dans une section à accès restreint de leur bibliothèque virtuelle, Steven Aftergood, qui dirige l’examen des secrets gouvernementaux pour la Fédération des Savants Américains, a décrit ce document comme une doctrine de guerre nucléaire, loin de la doctrine prévalant de « deterrence » [dissuasion ou Mutual Assured Destruction dont l’acronyme MAD révélait la nature].

Déjà en février 2018, une United States Nuclear Posture Review identifiait de nouvelles conditions abusives d’utilisation des armes nucléaires, par exemple en réponse à des « attaques stratégiques non-nucléaires » telles des cyberattaques. Le document planifiait aussi d’équiper les sous-marins de missiles contenant de mini-charges nucléaires, augmentant ainsi la possibilité de leur utilisation. D’autres pays armés, incluant l’Inde et le Pakistan, ont suivi ce mouvement inquiétant.

Ces changements de doctrine et de pratique vont à l’encontre de l’engagement à réduire le rôle des armes nucléaires dans les politiques de sécurité, pris par plus de 180 pays membres du Traité de non-prolifération (1970 – ONU), avec l’engagement légal de poursuivre la voie du désarmement nucléaire. Tout ceci survient au moment où

  • l’Iran et les États-Unis [Trump a déchiré leur pacte antinucléaire] se rapprochent d’une guerre qui pourrait aussi entraîner la Russie, la Chine et d’autres puissances nucléaires;
  • les États-Unis et la Russie vont bientôt se retirer du Traité INF (Intermediate Nuclear Weapons Forces);
  • des développements technologiques permettent à des missiles de voyager à 15 fois la vitesse du son, les rendant à toutes fins pratiques indétectables.

Carter, Trump & Trudeau

Jimmy Carter à 94 ans est le président américain ayant atteint le plus grand âge. Le 5 avril 2019, pour le dimanche des Rameaux, il s’est livré à sa traditionnelle et hebdomadaire adresse à sa communauté de l’église baptiste Maranatha à Plains, en Géorgie. Il y a révélé la teneur (confirmée par la Maison Blanche) de sa conversation de la veille avec Donald Trump.

À l’inquiétude du président de constater que la Chine était en train de devancer les États-Unis, Carter, devant les siens, a relaté sa réponse : « c’est vrai et savez-vous pourquoi ? J’ai normalisé nos relations diplomatiques avec Pékin il y a quarante ans. Depuis 1979, savez-vous combien de fois la Chine a été en guerre avec qui que ce soit ? Pas une seule fois. Et nous sommes restés en guerre. Les États-Unis sont la nation la plus belliqueuse de l’histoire du monde [1], parce nous avons tendance à imposer nos valeurs américaines aux autres pays. La Chine, elle, investit ses ressources dans ses infrastructures telles que les chemins de fer à grande vitesse qui couvrent 18 000 milles. Combien de milles avons-nous ? »

Aucun, a répondu la congrégation.

« Nous avons gaspillé 3 000 milliards de dollars en dépenses militaires. La Chine n’a pas gaspillé un cent pour la guerre, et c’est pourquoi elle est en avance sur nous dans presque tous les domaines. Et si nous avions pris 3 000 milliards pour les mettre dans les infrastructures américaines, on aurait un chemin de fer à grande vitesse. On aurait des ponts qui ne s’effondrent pas. On aurait des routes correctement entretenues. Notre système éducatif serait aussi bon que celui de la Corée du Sud ou de Hong Kong » (Carter n’a hélas pas mentionné un système de santé public).

Au Canada, Trudeau se voit imposer par l’OTAN d’acheter pour 70 milliards de $ de bateaux de guerre Irving/Lockheed Martin et bientôt des dizaines de milliards pour des chasseurs bombardiers (que Boeing et Airbus déplorent aujourd’hui destinés à leur compétiteur Lockheed Martin, car c’est là où travaille le général Bouchard qui a mis la Libye à feu et à sang en 2011 pour le compte de l’OTAN et de Stephen Harper).

Ces armes multiplieront les réfugiés (70 millions, dit le Haut-Commissariat pour les Réfugiés de l’ONU) qui en frappant aux portes de l’Occident, enfleront la réaction raciste d’extrême-droite, alors que la gauche continue de se taire à propos des dépenses militaires.

Que Réjean Hébert et Steven Guilbeault se présentent pour le parti libéral pour faire avancer leurs causes respectives, cela se conçoit. Mais qu’ils le fassent, sans remettre en question les monstrueuses dépenses militaires offensives qui leur enlèveront toute marge de budget pour les aînés et pour l’environnement, dépasse l’entendement.

PS Un écotrain rapide Québec-Windsor, refusé par Trudeau, aurait coûté 20 milliards de $ en 2016, pour rester dans la thématique soulevée par Carter.

[1] Le Pentagone a fait rimer démocratie américaine et massacres de masse au Vietnam, au Laos, au Cambodge, en Corée, en Afghanistan, en Irak, en Libye et en Syrie, sans oublier les tueries orchestrées dans l’ombre par la CIA, de l’extermination de la gauche indonésienne (500 000 morts) aux escadrons de la mort guatémaltèques (200 000 morts) en passant par les bains de sang pour le compte de l’empire par le djihad planétaire. Bruno Guigue, mondialisation.ca.

How to build an architecture of peace, when destruction can rain down in mere minutes

Contributed to The Globe and Mail | Published July 7, 2019

The existence of 13,865 nuclear weapons held by nine countries has not been enough, seemingly, to demonstrate political power. Now science and technology are giving us faster, more precise methods of destroying “the enemy.” The name of this new danger: “hypersonic” missiles.

The United States, Russia and China are leading the way on the development of hypersonic missiles, purportedly capable of travelling at more than 15 times the speed of sound and striking any target in the world in a matter of minutes. They will be powerful enough to penetrate any building with the force of three to four tonnes of TNT.

Although hypersonics are intended to carry conventional explosives, as distinct from nuclear, that’s not the main threat right now. Hypersonic missiles, conventional or nuclear, will be capable of striking at an adversary’s nuclear arsenal. Given the very short warning times of such attacks, states with nuclear weapons will have to assess how to respond to such threats quickly, and may be tempted to bypass political consultation. Their systems will also be placed on even higher levels of alert, increasing paranoia and pressure.

And, of course, it is highly unlikely that hypersonic weapons will stay “conventional.” Indeed, Russia is already boasting that it can place nuclear warheads on its hypersonic missiles. We’re looking at a world where catastrophic destruction is possible – and with unimaginable speed.

If the world is getting to be a better place, as so many indicators of progress reveal, how can we tolerate the constant modernization of the killing process? Is our struggle ultimately against particular weapons systems, or is it against humanity’s more fundamental lust for perfecting the art of killing?

These are questions that are made relevant again with the emergence of what The New York Times Magazine recently called “unstoppable hypersonic missiles.” As Times writer R. Jeffrey Smith reminds us, there are no international agreements on how or when hypersonic missiles can be used, nor are there any plans to start such discussions. Instead, he says, the world now faces a new arms race with Russia and China – “one that could, some experts worry, upend existing norms of deterrence and renew Cold War-era tensions.”

The issue of hypersonic weapons should highlight the growing urgency of reconstructing a reliable nuclear-arms control regime. Such a system should place a legal obligation on all countries to pursue and complete comprehensive negotiations for the elimination of nuclear weapons. Stunningly, the reverse is happening: The U.S. and Russia continue to violate their disarmament obligations under the Nuclear Non-Proliferation Treaty, as they abandon other treaties.

Immediate steps are necessary. At a minimum, keep nuclear warheads off hypersonics; remove all nuclear systems from high-alert status to prevent false alarms from triggering nuclear catastrophe; commence negotiations to control hypersonic weapons before the emerging hypersonic arms race swings into a no-holds-barred contest among a small but widening circle of countries.

Of course, the dismal state of nuclear disarmament in this chaotic period of world history sometimes raises doubts about the effectiveness of the nuclear disarmament movement. But the arrival of the Treaty on the Prohibition of Nuclear Weapons, which buttresses the nearly 50-year-old Non-Proliferation Treaty, highlights the deepening humanitarian concern about the massive evil of nuclear weapons. Focusing only on nuclear disarmament is not enough to ensure sustainable world peace, but as long as nuclear weapons exist, there can be no world peace.

The new age of hypersonics reminds us that the agenda for peace is very long. It already includes curbing global warming, controlling cyberwarfare, promoting sustainable development, and continuing to learn that human rights include the right to be free of warfare.

Hypersonic marks another milestone in the development of instruments of warfare. We must respond by building a new architecture for peace. And one cornerstone of that architecture remains the abolition of nuclear weapons.

Ernie Regehr is chairman of Canadians for a Nuclear Weapons Convention. Douglas Roche is a former senator and the former Canadian ambassador for disarmament.

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